3. Les travaux de la feuille

On enchaînait ensuite sur le rebiolage systématique, consistant à enlever les "rebiots", pousses inutiles, ainsi que les "fourchettes". On laissait alors entre dix et quinze bois par souche, en cherchant un maximum de récolte, cela étant ramené aujourd’hui à six, par une limite légale, soit trois cornes à deux bois. Après quelques années, il fut possible d’engager des Savoyardes du val d’Abondance, Mélanie, Véronique et Angèle. Sauf pour la tante Margot, payée à l’heure, elles étaient engagées "en tâche", donc payées au forfait.


La tâche était censée durer de huit à dix jours, mais si le vigneron engageait trop peu d’effeuilleuses, la tâche se prolongeait, sans compensation du prix : les "effeuilleuses" ne revenaient donc pas l’année suivante.

Le rôle de la patronne était de conduire le travail de l’équipe à la vigne. Certaines forçaient le rythme très rudement, de manière à obtenir le même travail avec une effeuilleuse en moins. Si la patronne était à la vigne, elle ne pouvait évidemment pas être à la cuisine, et les repas se prenaient tous en plein air, repas simples préparés tard le soir avant. On travaillait de l’aube à la nuit, toute autre activité était suspendue dans le village, on n'ouvrait même pas son courrier.

Après avoir rebiolé partout, en enlevant les derniers rebiots et fourchettes, on passait à l’attachage. Les effeuilleuses, observant le travail chez d’autres propriétaires, disaient "un tel a déjà pris la paille" : cela signifiait qu’il avait fini de rebioler, et donc que la tâche était plus courte. Elles en parlaient à la messe, et commençaient à réfléchir pour l’année suivante. Mélanie, de Montriond-le-Lac, en direction de Morzine, relevait qu’à Riex, "il y avait de la confiture au petit-déjeuner", ce qui, étonnamment, semblait pour elle exceptionnel.


Une
Effeuilleuse
de la Fête
des Vignerons
de 2019 !




La paille pour l'attachage se trempait dans un bassin, communal ou privé, entortillée dans une toile à matelas, et gardée ensuite à l’ombre à la vigne. On la prenait ensuite avec soi dans un "tablier de paille", également en toile de matelas, ce qui garantissait un ventre mouillé tout au long de l’été.

On liait les bois à l’échalas avec deux brins de paille ensemble, et les petits bois aux grands bois avec un brin plié en deux. On repassait ensuite deux fois, selon les années, mais en famille, sans "les femmes".